Si le passage généralisé au travail à distance s’est accompagné de quelques défis, il offre un côté positif important: pour beaucoup d’entre nous, les déplacements sont devenus une chose du passé. Aux États-Unis seulement, l’élimination des déplacements journaliers représente environ 89 millions d’heures par semaine, soit un gain de temps de plus de 44,5 millions de journées de travail complètes depuis le début de la pandémie ! Ces chiffres suggèrent que travailler à distance peut être la clé pour récupérer l’une de nos ressources les plus précieuses et les plus limitées : le temps. Cependant, malgré l’étonnant potentiel de gain de temps, de nombreux employés ont dû lutter pour obtenir tout ce qu’ils espéraient que la pandémie leur apporterait en termes de temps, à savoir : faire du pain, méditer ou encore écrire le prochain grand chef-d’œuvre de littérature. En effet, les données recueillies auprès de 12.000 personnes aux États-Unis et en Europe, pendant la pandémie, montrent que le temps supplémentaire est souvent utilisé pour des travaux improductifs et des activités de loisirs insatisfaisantes. Avoir plus de temps ne signifie donc pas nécessairement que nous l’utilisons à bon escient. Alors, que faisons-nous de mal?
Leçon n ° 1 : Travailler à domicile ou vivre au travail ?
Sans un bureau où aller, la séparation entre le travail et la maison devient floue. Bien que la recherche montre que les personnes qualifient leurs déplacements comme l’une des périodes les plus stressantes et indésirables de la journée, ne faire aucun déplacement pose également des problèmes. Dans une série d’études, nous avons constaté qu’être sur la route peut aider les personnes à faire la transition de pensées entre la maison et le travail et que, sans ce déplacement, les personnes ont du mal à séparer leur travail et leur vie personnelle. Au lieu d’éteindre leur ordinateur et de rentrer chez eux dans un train rempli de monde à 18h00, beaucoup de personnes travaillent plus que jamais, « juste un e-mail de plus » qui s’étend jusqu’à deux heures de plus devant leur ordinateur portable. Et ce temps de travail supplémentaire n’est pas toujours bien dépensé. Dans les études, les personnes ont déclaré avoir été bloquées dans plus de réunions pendant la pandémie qu’auparavant, sans une collaboration suffisamment créative et en remplissant leur temps de travail avec des tâches improductives. Dans une parfaite illustration de la loi de Parkinson, dans laquelle le travail s’étale pour occuper le temps disponible pour son achèvement, la moyenne de 53 minutes par jour que les personnes ont économisé en supprimant leur trajet jusqu’au travail, a souvent été immédiatement absorbée par un travail supplémentaire et moins productif.
Leçon n ° 2 : Gagner ou perdre du temps ?
Lorsque les personnes arrivent à avoir du temps libre, souvent elles n’en profitent pas à bon escient : nos études montrent que les activités que nous appelons « loisirs passifs » – comme regarder la télévision – ont augmenté de façon drastique, tandis que les activités de « loisirs actifs » comme le bénévolat ou la socialisation sont devenues moins fréquentes. Bien qu’un peu de loisirs passifs soit une bonne façon de se détendre, notre étude suggère que les loisirs actifs favorisent davantage le bonheur. Il est certain que la pandémie a rendu difficile de nombreuses activités de loisirs actifs. Mais nous avons vu de nombreuses façons créatives de pratiquer des loisirs actifs tout en suivant les directives de distance sociale, telles que les soirées de jeux zoom, les sports socialement éloignés ainsi que le volontariat virtuel. En période de crise mondiale, il est important de donner la priorité à la détente, et il est naturel que l’on doive lutter pour maximiser la productivité au travail. Cependant, alors que nous revenons à la semi-normalité, que pouvons-nous faire pour nous assurer que nous utilisons nos gains de temps pour développer des activités significatives qui nous rendent réellement heureux ? Grâce à notre étude, nous avons trouvé plusieurs stratégies qui peuvent aider à structurer notre journée de travail pour définir des limites plus claires et avoir plus de temps pour les loisirs actifs:
Créez votre propre trajet pour aller au travail
Pour beaucoup d’entre nous, aller au travail est synonyme de se mettre en « mode travail ». Mais cette transition ne doit pas forcément être un déplacement physique. La recherche montre que la distance de trajet la plus souhaitable est de 16 minutes, donc lorsque vous travaillez à distance, prenez le temps de trouver un autre moyen de passer en mode travail. (Mais nous ne voulons pas littéralement faire semblant d’être dans le métro, comme l’ont fait certains Londoniens.)
Plus précisément, une étude récente a révélé que les passagers les plus heureux sont ceux qui utilisent leurs déplacements pour planifier leurs journées de travail. Essayez donc de commencer votre journée de travail à distance, en prenant 15 minutes pour planifier votre journée, que ce soit à la maison ou avec une courte promenade matinale. En effet, la marche est une forme de loisir actif bien connue pour réduire le stress.
Ayez votre propre Feierabend (expression d’origine allemande qui signifie terminer le travail et avoir un moment de loisir)
En Allemagne, Feierabend est une célébration quotidienne de la fin de la journée qui marque le moment où le travail est fini – souvent accompagné d’une bière allemande. Que vous terminiez la journée avec une boisson, une collation, une course à pied ou un appel à un ami, trouvez un rituel qui peut marquer la fin de votre journée de travail et vous donner quelque chose à espérer. Ces routines quotidiennes vous aident à célébrer ce que vous avez accompli au cours de la journée (au lieu de vous concentrer sur ce qui reste à faire), apportant du sens et du bonheur à la vie.
Concentrez votre charge de travail sur ce qui compte le plus
Si votre liste de choses à faire est similaire à celle des autres, elle est toujours très longue. Pour éviter de vous noyer au travail, identifiez une victoire obligatoire pour chaque jour – quelque chose que vous devez accomplir, quoi qu’il arrive, puis poursuivez-la à plein gaz. Face aux interruptions constantes des plateformes d’emails et de messagerie, rester concentré sur votre priorité est une véritable réussite. Et si vous remportez cette victoire, l’étude montre que le sentiment d’accomplissement qui en résulte est susceptible d’avoir un impact significatif sur votre bonheur.
Définissez votre temps de concentration sur votre agenda
Protégez votre calendrier des réunions Zoom interminables en bloquant le « temps professionnel » ou le temps consacré à un travail très important, mais pas urgent. Nos études ont montré que planifier un temps quotidien de concentration, dans lequel vous désactivez toutes les distractions et vous vous concentrez sur des tâches spécifiques, aide les employés à se sentir plus efficaces et moins submergés. Le temps de concentration quotidien peut vous empêcher de vous concentrer uniquement sur le prochain délai et de vous noyer dans un travail moins significatif, faisant en sorte que vos journées soient plus productives et moins stressantes.
Récupérez la socialisation malgré la distance sociale
Les stratégies ci-dessus peuvent vous aider à récupérer une partie de votre temps. Cependant, plus de temps seul n’a pas de sens – c’est ce que vous faites avec le temps qui compte. Utilisez-vous le nouveau temps libre pour vous connecter avec d’autres personnes ? Pour commencer à faire de l’exercice ou faire du bénévolat ? Comme pour la planification du temps actif pendant la journée de travail, nous vous recommandons d’être proactif dans la planification des activités de loisirs actifs après le travail. Cela ne doit pas être un engagement majeur. L’étude suggère que de petites interactions sociales informelles (en personne ou à distance), ainsi que seulement 10 ou 20 minutes de loisirs actifs, stimulent le bien-être. Il ne s’agit pas de consacrer deux heures à socialiser chaque jour, mais de passer 20 minutes avec un ami ou de faire une promenade. Vous pouvez même maximiser les loisirs actifs en combinant le temps social avec d’autres activités, comme faire de l’exercice avec un ami. Alors vous faites d’une pierre deux coups ; de plus, impliquer les autres dans vos objectifs favorise leur accomplissement. Essayez également de créer des opportunités sociales dans le cadre de votre journée de travail normale. Par exemple, des études montrent que l’utilisation du temps de trajet pour se connecter avec les autres – même des inconnus dans un train – favorise le bonheur. Pour reproduire cela tout en travaillant à distance, peut-être qu’une partie de votre routine quotidienne peut être une conversation avec un membre de la famille ou un ami.
Réalisez des expériences de gestion du temps
Aujourd’hui, nous faisons tous partie d’une grande expérience dans la façon dont nous utilisons notre temps. Cependant, même après la levée des restrictions liées à la pandémie, il est judicieux de continuer à expérimenter de nouveaux schémas de gestion du temps pour voir ce qui fonctionne le mieux.
Par exemple, à l’Université de Zurich, notre équipe a inventé une «3-2-2 semaines » ce qui nous donne un bon équilibre : chaque semaine, nous passons trois jours au bureau (oui, nous pensons que le temps de trajet vaut la peine d’être fait pour récupérer la convivialité que seul le bureau peut nous apporter), deux jours de travail à domicile et deux jours dédiés à la famille et aux amis. Essayez de structurer vos jours et vos semaines de différentes manières pour voir ce qui est le mieux pour vous, pendant la pandémie et pas seulement. Partout dans le monde, passer au travail à distance peut faire gagner des milliards d’heures – mais c’est à nous de convertir ce temps en temps productif et de bien-être. Il est maintenant temps de faire des choix, de réfléchir à la façon dont nous devons reformuler notre travail pour obtenir plus ce dont que nous voulons tous : le temps.
